L’impact des récessions économiques et de l’insécurité au travail sur la santé des populations a suscité, dans la littérature, des interprétations contradictoires.
Le niveau de vie étant un déterminant essentiel de l’état de santé et un bon état de santé étant corrélé à un bon niveau de vie, on pourrait penser que les périodes de crises économiques et d’insécurité dans l’emploi ont une influence délétère sur l’état de santé. Telle fut d’ailleurs l’interprétation de M. H. Brenner dans ses travaux sur la mortalité et les récessions économiques en Angleterre et au pays de Galle sur la période 1936-1976. Selon lui, l’instabilité économique et l’instabilité financière induites par la montée du chômage seraient à l’origine de stress, qui affecterait la santé, et plus particulièrement la santé mentale au travers de comportement à risque (alcoolisme, tabagisme...). D’autres études, dont un rapport publié récemment par le Public Health Wale - qui étudie les effets d’un licenciement de masse sur l’état de santé des chômeurs un an après les événements - semble corroborer cette interprétation.
Plusieurs travaux, cependant, étayent la thèse contraire. Dans ses études sur la mortalité aux États-Unis sur la période 1972-1991, C. Ruhm a montré que la mortalité augmentait en période de croissance économique et diminuait en période de récession. Une augmentation du taux de chômage entraînait la baisse des accidents et de certaines pathologies (maladies cardiovasculaires, troubles musculosquelettiques...). Néanmoins, la mortalité par suicide augmentait en période de chômage.
D’autres études internationales sont venues ensuite conforter cette interprétation. On peut citer, pour la France, les travaux de T. Buchmueller, M. Grignon et F. Jusot qui portent sur une analyse des relations entre le taux de chômage et la mortalité à l’échelle des départements français sur la période 1982-2002.
Contrairement à l’idée reçue, la littérature récente montrerait donc que la mortalité et les problèmes de santé auraient tendance à se réduire durant les récessions, en raison d’une amélioration de la santé au travail (pour ceux qui sont en emploi) et des comportements bénéfiques à la santé (meilleur suivi de sa santé, activité physique, temps passé à cuisiner induisant une meilleure alimentation...). Cependant, ces effets bénéfiques ne perdureraient pas en cas de persistance de la récession et baisse de revenu sur le long terme. Les populations les plus modestes seraient alors très affectées, d’autant plus s’il y a dégradation dans l’accès aux soins en l’absence de politiques publiques adaptées.
L’objectif de cette bibliographie est de recenser la littérature française et internationale (articles, ouvrages, rapports, documents de travail ...) sur la relation entre l’insécurité au travail (chômage, licenciements massifs, restructurations des entreprises...) et la santé des individus et de leur famille. Lire la suite de l'article...
Auteur : Marie-Odile Safon et Véronique Suhard, IRDES.
