Les Carsat jouent un rôle prépondérant dans la prévention des risques professionnels. Via des actions de formation, de sensibilisation ou encore de contrôle, elles accompagnent les entreprises dans l'amélioration des conditions de travail. "Les Carsat ont deux missions principales en matière de risque professionnel : la tarification et la prévention. En Nord-Picardie, nous sommes 170 agents pour deux régions. La moitié est en contact direct avec les entreprises."
Des moyens divers pour convaincre les entreprises
Les agents bénéficient de certaines mesures pour pousser les entreprises à la conformité. "Nous disposons d'aides incitatives comme des financements pour appuyer certains projets. Mais si cela ne suffit pas ou que l'entreprise ne fait pas preuve de bonne foi, nous pouvons, en tant que contrôleur sécurité, constater les risques et prescrire des mesures avec injonctions selon un délai précis." Et, si cela s'avère encore insuffisant, une augmentation du taux de cotisation peut être appliquée.
Prendre en compte les risques émergents…
Sur le terrain, l'accent est davantage mis sur l'information et la sensibilisation. "Aujourd'hui, nous avons encore quelques difficultés à toucher les PME et les toutes petites entreprises, reconnaît Olivier Suzanne. De plus, nous devons faire face aux risques émergents tels que les TMS et les RPS. Or, nos agents sont avant tout des ingénieurs techniques. La dimension psychique, bien que prise en compte, ne fait pas encore l'objet d'une expertise de notre part."
…surtout considérés par la réparation que par la prévention
Aujourd'hui, ces nouveaux risques sont davantage traités par l'assurance maladie que par la Carsat. "Les TMS ne sont considérés comme maladie professionnelle qu'au bout d'un certain temps. Dans ce laps de temps, les arrêts maladies sont payés par la CPAM."
L'augmentation des arrêts de travail ne peut être à elle seule une raison d'intervention de la Carsat. "Une élévation des taux peut être une raison pour que nous intervenons en tant que contrôleur. Mais attention, les causes de cette élévation peuvent être multiples et non pas seulement imputables à un non respect de la législation ou à une dégradation des conditions de travail."
Mais concernant les RPS, le directeur reconnaît la faiblesse de l'institution : "On en est au prémices par rapport aux risques psychiques. Nos professionnels sont mieux armés sur les aspects techniques."
Place de la Carsat face à l'évolution du droit
Pourtant, l'institution, en tant que préventeur, doit faire face à une recrudescence de situations de travail dégradées pouvant aller jusqu'à l'accident. Depuis 2002, la Cour des Comptes constate une augmentation des affaires engagées pour faute inexcusable de l'employeur. "Quelques centaines de cas étaient présentés au tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) en 2002 pour plus de 3000 aujourd'hui. Pour la Carsat, il s'agit d'un vrai problème à résoudre car la part de l'imprévisibilité est singulièrement réduite. Comment se positionner et répondre à la jurisprudence ? Une des pistes est de segmenter l'approche en fonction des risques."
Vers une prévention plus incisive
Parmi les propositions évoquées : approfondir le travail en amont avec les partenaires sociaux, aller en priorité vers les secteurs les plus en difficulté ou encore développer avec les entreprises de nouvelles formes d'évaluation.
"L'évolution du droit nous pousse à une prévention plus incisive. Jusqu'à présent, la Carsat était surtout dans l'accompagnement. Nous devons penser une autre forme d'intervention. L'entreprise doit choisir son camp surtout celles pratiquant le déni. A nous de prendre notre responsabilité d'assureur et de jouer sur les cotisations."
Olivier Suzanne fait référence aux contentieux dans lesquels les entreprises contestent les taux d'incapacité de manière à être en dessous des seuils de tarification.
Une jurisprudence à double tranchant
Parallèlement, l'évolution du droit invite les entreprises à davantage de prévention. "Cela dit, cette incitation à une prévention supplémentaire peut entraîner un durcissement des règles et de leur application au sein de l'entreprise."
Ce qui serait contre-productif puisque cette prévention serait loin d'être acquise par les concernés, à savoir les salariés.Quelles obligations pour quels résultats ?
Même si l'obligation d'actions et de résultats ne pèse légalement que sur l'employeur, en cas de faute grave le préventeur peut être impliqué.
"Sur le plan civil, les risques sont quasi nuls car il y a des clauses limitatives de responsabilités dans les contrats avec les entreprises. La responsabilité civile peut être impliquée s'il y a abus de fonction du préposé. Sur le plan pénal, la responsabilité est engagée si le risque constaté est laissé sans réponse par l'agent, s'il y a une causalité certaine entre la faute et le dommage ou encore s'il y a un défaut d'information de la Direccte. Autrement dit, la probabilité de mise en cause et de condamnation est assez faible même si le droit peut facilement décider d'enclencher un procès exemplaire."
Auteur : Par Nadia Daki, actuEL-HSE.
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